Et voilà, je viens de passer le cap symbolique des 100 jours avant le début de cette aventure, le 1er mai à la frontière Mexique/USA, matérialisée par le non moins symbolique « Southern Terminus Monument ».
Etat d’esprit mi fugue mi raison parce que :
1/ Cool… il me reste encore suffisamment de temps pour être en retard
2/ Merde…J’ai encore tant à faire.
Tout en me concentrant sur les aspects pratiques et matériels, sur lesquels je reviendrai dans la partie « avant le départ », je ressens l’importance de mettre des mots sur la dimension psychologique de cette dernière phase de préparation du Pacific Crest Trail. Je l’appellerai pompeusement : le temps des paradoxes.
Paradoxe 1 : Maitrise ou lâcher-prise
A défaut d’avoir une quelconque emprise sur l’essentiel, je trouve presque réconfortant de passer (et perdre) du temps à maitriser l’accessoire !!
La chasse au gramme superflu, l’expérimentation pratique du minimalisme me font hésiter entre tel ou tel article dont le prix est généralement inversement proportionnel au poids.
Passer des soirées, avec le zèle d’un wedding-planner à décortiquer les blogs et sites spécialisés pour identifier ce qui sera le choix ultime en matière de sous vêtement technique, de serviette microfibre, de bâtons de marche et de nourriture déshydratée… Ou à analyser les tableaux comparatifs en matière d’assurance, de banque en ligne, de technique de réapprovisionnement… ça finit quand même par lasser.
Car l’enthousiasme flirte avec la lassitude. Et je ressens le besoin de lever le pied dans cette course au détail afin de conserver ce qui est essentiel à cette aventure : le lâcher-prise et le saut dans l’inconnu.
Comme un avertissement à éviter tout risque de « spoiler » cette aventure. Je ne veux pas planifier à l’extrême ce qui, par essence, est à découvrir.
A chacun son chemin. A chacun ses remèdes. Pour moi ce sera, ce mois-ci, la (re) lecture des incontournables du voyage à pied, mais hors USA :

Paradoxe 2 : Intimité ou ouverture
Sans doute le plus difficile à décrire.
Une aventure au long cours comme le PCT répond à un profond désir de liberté.
Fondamentalement, pourquoi susciter l’échange, prendre des photos et raconter son aventure ? Pourquoi bloguer, instagramer et « exhiber » (certes, avec modération) ce qui indéniablement relève de la dimension personnelle ? N’y a-t’il pas une contradiction avec l’esprit même du voyage que j’entreprends ? Plus encore, alors même que le moteur d’une aventure comme le PCT est de goûter à une forme d’introspection tout en s’affranchissant des contraintes de la vie quotidienne ; pourquoi se créer une obligation à tenir un journal de bord et à témoigner ?
A l’heure où j’écris ces lignes, j’ai l’impression d’excuser par avance de ne pas m’engager à être le blogueur régulier et inspiré que j’aimerais, en tant que lecteur, suivre dans un voyage par procuration.
Comme si l’engagement de restituer pouvait altérer la part d’arbitraire d’une telle aventure. Où, selon les circonstances, ma nature « sauvage » l’emportera sur ma personnalité « sociable ». Et vice versa.
Pour me justifier, je me dis que, de toute façon, je n’aurai pas de réseau (c’est vrai) et, comme la majorité de mes semblables, je ferai ce que je peux (c’est très vrai).
Car si « l’homme libre » cherche vainement à s’affranchir du besoin d’être aimé et de celui d’être utile, le randonneur au long cours que je suis n’est encore qu’un apprenti-ermite. Un vagabond imposteur, un SDF muni d’une carte Gold et d’un smartphone, un fugitif qui se rassure de l’utilité de laisser quelques miettes de son passage et de maintenir un lien avec l’extérieur.

Paradoxe 3 : Égoïsme ou partage
Bon, là c’est facile. Cette aventure est résolument égoïste.
D’un égoïsme assumé, réfléchi et salutaire. Tel que décrit, non sans malice, par Josef Kirschner, dans « L’art d’être égoïste » Ed. Leduc. Il faut savoir s’occuper de soi pour créer les conditions et trouver les ressources qui nous aident à gagner du temps, à faire des choix, à être responsable de ces choix, à avoir confiance en soi et finalement à … mieux s’occuper des autres.
C’est ainsi que je conçois mon aventure. Entre introspection et confrontation, sa dimension hors norme est autant une expérience de vie sauvage qu’une opportunité d’ouverture aux autres. Ce n’est pas en confiant la carte et la boussole au misanthrope qui sommeille en moi, que je me soustrais aux autres. Je les rejoins juste par un autre chemin.
La distance est relative. Dans le quotidien d’une journée de travail, d’une soirée amicale, il m’est parfois arrivé de me sentir seul et « absent » pour les autres, alors que, dans des conditions d’isolement extrême, j’ai réellement ressenti un attachement profond et une attention entièrement tournée vers ceux qui comptent pour moi.
Le PCT commence bien avant le départ de Campo. Et, pour beaucoup, il se perpétuera bien après le retour au pays.
Aussi, conscient que l’Avant et l’Après sont des phases de partage essentielles, j’ai à cœur de vivre pleinement ces 100 jours au plus près de la femme que j’aime et de mes enfants. Puis viendra ma partition solo, où la distance et l’espace donneront un autre relief à nos relations, sans dénouer les liens indéfectibles. Enfin, il y aura le retour de l’Odyssée et l’envie irrépressible de partager.
Mais chaque chose en son temps.
Comme je suis né bien avant le WIFI 😉 je sais la valeur de l’attente.

Salut ! Je cherchais quel type de gant acheter pour le PCT et je tombe sur ton blog 🙂 Je pars un jour avant toi, il y a des chances que l’on se croise ! Bonne préparation, Mika