Ce soir, je dors à plus de 3000 mètres d’altitude. Juste en dessous de la zone enneigée. Équipement complet, full mérinos, pour passer la nuit : bonnet, collant, gants chaussettes. L’endroit est abrité du vent et à proximité d’un minuscule ruisseau alimenté par la fonte des névés.

Il y a dix heures et deux cols de cela, la journée a commencé par un réveil agréable dans un cadre bucolique : les timides rayons du soleil à travers les pins, la brume sur la rivière, les nuées d’hirondelles autour du pont et les senteurs de menthe et de genévriers portées par la brise matinale.


Au moment de plier la tente, il faut quand même mettre les gants. Le froid pique et ankylose les doigts ; je me reprends à plusieurs fois pour ouvrir cette fichue boîte à ours qui s’est transformée en congélateur pour barres de céréales. Mais rapidement, le soleil réchauffe l’atmosphère et simplifie les mouvements.
Deux cols passés aujourd’hui dont un entièrement enneigé. Crocodile, Psycho et moi sommes partis à des heures différentes ce matin. Finalement, j’ai fait une grande partie de l’étape en solo puis avec Crocodile.
Au Mile 720, nous avons trouvé la neige. Quelques névés pas vraiment difficiles à traverser. Mais progressivement, nous sommes entrés dans une zone boisée totalement recouverte de neige. Plus de chemin, mais quelques traces de pas dans la neige comme repères. De temps à autres, c’est l’anarchie au niveau des traces (elles vont dans plusieurs directions) et je sors le smartphone pour m’aider du GPS.


Comme le terrain, en pente, devient « casse-gueule », nous nous équipons des microspikes (mini crampons) qui facilitent grandement la progression.

À ce rythme, on ne fait pas plus de 2 miles de l’heure. Mais peu importe, tant il est appréciable de marcher dans de tels paysages. Ce n’est que le début de la Sierra Nevada et déjà le charme opère.

Je croise un ranger du parc national qui en profite pour me contrôler. Je dois lui présenter mon PCT permit, la boîte à ours et répondre à quelques questions. La discussion est très cordiale. Nous parlons même des Pyrénées, du GR10 et de la HRP, qu’il connaît et qu’il estime plus difficiles que la Sierra. Je suis dubitatif pour les avoir parcourus, il y avait moins de neige et moins d’ours.
La deuxième montée de col est à la fois plus longue et plus facile. Après une brève pause déjeuner, j’attaque la montée tranquillement. Les nouvelles chaussures sont encore en rodage et les pieds souffrent. Quant au poids du sac, je m’y habitue doucement tout en maudissant cette « boite à ours » qui l’alourdit considérablement.

Je fais de nombreuses pauses (pas plus de 10 minutes) pour retirer sac et chaussures. J’ai un peu mal à la tête sans savoir si c’est le poids du sac, la réverbération du soleil sur la neige ou les effets de l’altitude.
Toujours est-il que lorsque je vois Crocodile mettre sac à terre et proposer de camper après vingt miles parcourus, je suis d’accord. Psycho nous rejoint 45 minutes après, totalement épuisé.
Après avoir monté les tentes, nous mangeons ensemble en échangeant nos premières impressions sur la Sierra et la neige. Ainsi que sur les prochains jours. Le Ranger nous a fortement déconseillé de tenter l’ascension du Mont Whitney. Mais j’en ai très envie. Pour Crocodile et Psycho, c’est clairement non. Il me restera la possibilité de la faire, après le PCT, en septembre avec ma chérie (n’est-ce pas, c’est d’accord 😉) lors de notre road trip.

Extinction des feux à 20 heures. Je me glisse dans le sac de couchage, écris quelques lignes et ressens à la fois une grande fatigue et le bonheur de vivre tout cela.


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