J 4 – 4 mai  Julian (mile 77,3)

J’ai plutôt bien dormi. Pourtant, en légère pente, j’ai passé la nuit à glisser sur le côté

Ce matin, en regardant le profil de l’étape du jour, je m’aperçois que le prochain point d’eau n’est pas fiable (noté « probably dry »). Discussion faite, nous laissons les sacs à Rosi et décidons de repartir de quelques miles en arrière pour aller remplir nos poches à eau au réservoir du Sunrise trail. Sans sac à dos, l’opération ne nous prend que 40 minutes.

Réservoir du Sunrise trail

L’objectif de la journée est d’atteindre Scissors Crossing, une intersection de 2 routes au milieu de la vallée. De s’installer à l’ombre sous le pont de la highway, dans le lit d’une rivière à sec. Et surtout de faire du stop pour aller passer l’après-midi à Julian, petite ville sympa spécialisée dans le cidre et la tarte aux pommes (apple pie).

Chacun part à sa cadence, Mavis devant comme d’habitude, suivi de Rosi. J’attends encore 10 minutes, le temps de filtrer l’eau puis je me mets en route.

C’est par là

Peu d’ombre. Il va falloir s’y habituer. Le chemin est agréable, presque en ligne de crête.  Dans une descente je retrouve sous un minuscule arbuste Rosi en compagnie de Richard, un militaire québécois qui randonne en kilt (il fait d’ailleurs sensation). Il a déjà tenté le PCT mais a abandonné dans la Sierra après une chute l’an dernier. Quand je lui demande pourquoi il recommence depuis le début, il me répond « pour être un thru-hiker, on fait tout le chemin en une fois, sinon autant rester chez soi ». J’acquiesce d’un air entendu.

La journée est étouffante. Chacun va en solo. C’est un chassé-croisé en fonction des pauses. Pour ma part je fais des breaks de 10 minutes et je marche doucement. La vue sur la vallée est splendide. Le paysage devient de plus en plus proche de l’idée qu’on se fait du désert.

Au mile 69, première water cache (un endroit où de bons samaritains stockent des galions d’eau potable à destination des hikers).

Le chemin très pierreux continue à alterner les montées et les descentes sous un soleil de plomb. Puis peu à peu, nous commençons la descente vers la vallée où l’on aperçoit au loin la highway rectiligne. Richard, l’homme en kilt, joue les habitués. Il me propose de faire une dernière pause à l’ombre d’un rocher en surplomb car « les 3 miles dans le fond de la vallée pour rejoindre le pont sous la highway sont éprouvants ». Va pour la pause. On s’y retrouve tous.

Under the rock

En fait, la traversée de la vallée est plutôt cool. Effectuée dans un décor de far-west au pas de course en 45 minutes. Jusqu’à ce fameux pont.

Dans la vallée
Scissors crossing

Quatre hikers (jamais vus) somnolent à l’ombre. Une water cache est à disposition ainsi que des poubelles et une hiker box (là où on laisse le surplus de matériel ou de nourriture pour ceux qui en auraient besoin). L’endroit n’est pas excitant mais il fait partie des « symboles » du PCT. Et surtout, on peut y tenter l’aller-retour en stop jusqu’à Julian.

Enfin de l’ombre
Water for the hikers

Après une mini sieste, je propose cette option à Rosi et Psycho qui sont plutôt partants. On est rejoint par Gulliver (ok c’est un trail name), un canadien.

Pas même le temps de tendre le pouce qu’une voiture s’arrête. Nous nous y entassons et, au moment de démarrer, la conductrice nous demande « ça vous dérange si j’ouvre un peu les fenêtres ? » On éclate tous de rire tellement il est évident qu’on pue la misère. Pas de douche, des vêtements imbibés de sueur et de poussière. J’admire et je suis reconnaissant envers ces américains, comme cette dame, toujours prêts à nous aider.

Ouvrez les fenêtres

Julian est une jolie petite ville. Dans un endroit verdoyant, quelques habitations et commerces alignés le long d’une route. On s’attend à y croiser la famille Ingles. Un décor de cinéma dédié à la star du Comté: la pomme. 2 cidreries, 5 restaurants dont 3 affichant l’apple pie en spécialité.

Julian

Direction Mom’s, « the place to eat the apple pie », surtout parce que sur présentation du permis PCT, ils offrent une part de tarte et une boisson. C’est l’extase. On avait presque oublié le goût des choses. On déguste nos parts généreuses et on en profite pour recharger les téléphones. Pas trop envie de repartir dormir sous le pont de la highway. Objectif: racheter de la nourriture et aller dîner dans la Pizza factory. On y passe deux heures à dévorer des pizzas « king size » et à boire des IPA.

La part gratuite du thru-hiker
Apple pie factory
Talk to me ?
Hmmm

Vers 19 heures, on se met en quête d’une voiture pour Scissors Crossing. La première qui s’arrête ne peut prendre que 2 personnes. Je laisse ma bouffe à Rosi qui embarque avec Gulliver. Confiants, Psycho et moi continuons à tendre le pouce et … rien. De moins en moins de voitures passent, la nuit tombe et au bout d’une heure, on commence à cogiter. Il va falloir passer la nuit ici.

Après avoir tenté en vain de trouver une chambre d’hôtel, une personne nous indique qu’on peut passer la nuit sur la terrasse extérieure du liquor store. Quelques tables, des parasols, ça fera l’affaire pour ma première nuit de « cowboy camping ». Avec Psycho, on se marre. Après tout, c’est ce qu’on est venu chercher: l’inédit et l’expérience. Au fond de mon sac de couchage, sur le matelas à même le sol, je revis la journée. Plutôt positive, totalement libre et inattendue. Et je m’endors le ventre plein.

Bien dormi ?

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