Treize petits miles. Mais une journée mémorable dont le point d’orgue a été le Forester Pass (4023 m).
Nous partons à 6 heures du matin pour nous assurer des meilleures conditions de neige. Il fait déjà très beau, mais pas assez pour retirer la doudoune et les gants. La progression sur un immense plateau montant est agréable. Je scrute en face la barre rocheuse qui semble infranchissable si ce n’est cette minuscule ouverture au dessus d’un corridor de neige.



Vu d’en bas, le Forester Pass ne parait pas grand chose. Une mini brèche de Roland posée sur la dentelle rocheuse de la Sierra. Mais on entend tellement d’histoires sur ce lieu (des personnes restées bloquées par la trouille, des coulées de neige, des chutes de rochers…) que l’on aborde la montée abrupte avec un minimum de stress.


Considérant, ma petite expérience pyrénéiste, Crocodile et Psycho m’ont demandé de passer le premier. Piolet en main, j’attaque le flanc verglacé de la montagne, en veillant bien à mettre mes pas dans des traces déjà faites. Il y a exactement 14 lacets avant d’atteindre le fameux passage du corridor. Le tout ne prend pas plus de 50 minutes. Mais c’est vertige assuré. Je pense que si le chemin n’était pas enneigé et verglacé, le franchissement serait moins impressionnant.

Toujours est-il qu’en mesurant chaque geste et en assurant chaque prise, j’ai pris un plaisir immense à vaincre la bête. Dans les derniers lacets après le corridor, il faut clairement renoncer à aller droit vers le col recouvert d’une corniche de glace qui s’avance d’1,50 mètre dans le vide. Mais plutôt franchir l’amas de rochers sur la gauche. Je me poste à cet endroit et j’encourage mes camarades tout en les prenant en photos.




Tous arrivés au sommet, la satisfaction est aussi grande que le soulagement. Passage mythique du PCT = photos classiques.


De l’autre côté, s’ouvre l’immense vallée du Sequoia Park. Totalement enneigée elle aussi. On distingue ici et là quelques lacs glaciaires aux eaux turquoise.



Les traces des hikers qui nous ont précédé partent droit devant sur plusieurs centaines de mètres et bifurquent brutalement avant de descendre en zigzag sur la droite. Mais, elles sont littéralement coupées par une coulée de neige qui vient de se produire. Avec le beau temps, les avalanches et les coulées de neige sont nombreuses. Impossible de passer par là. Trop dangereux. Un couple d’alpinistes américains nous rejoint et s’ensuit une discussion sur l’option à prendre. Finalement, nous suivons au GPS le tracé du PCT, et à l’approche de la zone des coulées, nous optons pour le glissading. 300 mètres de devers sur le cul, piolet en main en guise de frein. C’est la matinée des sensations fortes.


Nous allons ensuite descendre progressivement dans la vallée, parfois en glissading, mais trop souvent en postholing. Je me blesse légèrement en passant la jambe gauche entre deux rochers. Un trou béant de 2 mètres. Chacun y va de son gadin, tantôt amusant, tantôt effrayant.
À 11 heures, après avoir traversé une zone boisée détruite par une avalanche trois jours plus tôt, nous prenons une longue pause repas et faisons sécher les vêtements.



Nous discutons de la suite. Car nous souhaitons sortir par Kearsarge Pass et descendre dans la vallée pour nous ravitailler et prendre une journée de repos après ces 5 premiers jours de Sierra. Mais avec les conditions de neige molle, même si nous avons la chance de trouver une voiture susceptible de nous prendre, nous ne serions à Bishop ou Independence que tard dans la journée.
Malgré la féerie des lieux et l’émerveillement, les organismes sont éprouvés. Psycho et Crocodile sont assez fatigués de ce baptême d’altitude et de progresser difficilement dans la neige molle. J’ai, quant à moi, cassé mes lunettes de soleil et je souffre beaucoup de la réverbération du soleil sur la neige. Bref, on opte pour écourter la journée et se trouver un campement sympa pour se reposer. Demain, nous rejoindrons Kearsarge Pass dans la matinée sur une neige gelée, donc plus facile.
Au mile 788, on trouve l’emplacement idéal, un terrain plat et semi-ombragé, sans neige, près d’un petit lac et face au Mont Bago. La journée se termine à 16 heures sans scrupule.


J’ai du mal à garder les yeux ouverts et souffre de l’intensité de la lumière. Il faudra que j’achète de nouvelles lunettes de soleil à Bishop. Nous savourons cette fin de journée, allongés sur nos matelas pendant que les vêtements sèchent. La discussion tourne sur les événements de la journée mais aussi sur le lendemain de pause qui se profile. Nous estimons avoir mérité un peu de confort : wifi, douche chaude, lit douillet, boissons fraîches et … des quantités de bouffe. La vie quoi !
