De Campo à Lake Morena.
Départ à 6h de Chez Scout et Frodo après un dernier petit déjeuner.

Laurent (alias Sorry) a bien envie de venir avec nous, mais l’organisation est sans faille. Ne partent que ceux qui ont le permis PCT en date du 1er Mai.
Je passe sur la balance : 82 kg pour le bonhomme et 8,9 kg pour sac (3 l d’eau et 3 jours de nourriture inclus). Le sac, c’est OK. Pour moi, c’est un parti pris volontaire de partir avec un surpoids de 10 kg et peu d’entraînement. Cela va me permettre de puiser dans les « réserves » pour éviter une perte de poids trop importante pendant l’aventure et surtout me limiter dans ma propension naturelle à partir trop vite (blessure). Bref on verra bien.
Nous sommes 3 dans la voiture qui mettra une heure pour rejoindre ce coin perdu du sud Californien. Campo est en fait un ancien camp militaire avec quelques baraquements abandonnés. Tout au bout d’une piste, il y a le mur. La frontière avec le Mexique est matérialisée par une immense muraille de panneaux d’acier rouillé sur des kilomètres.

L’endroit serait glauque s’il n’était pas symbolique, pour tous, du point de départ matérialisé par le « south monument ». Photos de rigueur, embrassades, derniers conseils des trail angels sur le « leave no trace », puis c’est parti. ENFIN.

Les premiers miles défilent dans une atmosphère d’euphorie. On va de symboles en symboles, après monument zéro, c’est l’incontournable photo du mile 1 puis celle de la voie ferrée traversée au mile 3. « Happiness », c’est le sentiment qui prédomine parmi les partants du jour. Le bonheur est visible, palpable et contagieux. Sourires, plaisanteries, tapes amicales, regards émerveillés. Statistiquement, un tiers des 23 partants atteindront le Canada, mais l’essentiel est d’être sur le chemin.

Le temps est couvert. De petits groupes se forment rapidement. Je me retrouve assez vite devant en compagnie de Mavis et Rosi. On prend les relais à un rythme soutenu dans un paysage vallonné et moins sec que j’avais imaginé. Notre but commun est simplement d’atteindre le campement de Lake Morena. 33 km pour un premier jour, ce sera déjà bien.
Nous sommes rejoints puis dépassés, après une dizaine de miles, par un vétéran australien que l’on surnomme rapidement « Crocodile Dundee ».
La descente sur Hauser Creek me casse un peu les genoux (encore rouillés). L’endroit est sympa, un ruisseau avec des emplacements possibles pour une tente. Beaucoup y passeront leur première nuit. J’hésite à prendre de l’eau. Le ciel s’est vite dégagé et il fait très chaud pour cette première journée ensoleillée. Finalement à la vue d’un serpent dans le ruisseau, je me ravise. Je ferai l’étape avec les 3 litres du départ.
Dans la montée qui suit Hauser creek, je me retrouve seul, en terrain de prédilection. Après 2 miles, je rejoins Crocodile Dundee.
Nous alternons alors un chassé-croisé (no, it’s not a race) dans un magnifique paysage désertique.

En fait de désert, on serait plutôt dans un décor hybride entre le Causse cévenol et les Pyrénées catalanes. Vous rajoutez des cactus et des serpents, vous mettez le thermostat à 180 et vous obtenez le SoCal (South California). Au menu du jour : chaleur, pierres et premiers buissons de « poodle dog bush », une saloperie suffisamment toxique pour vous faire prendre l’avion du retour en transport sanitaire. Je pratique ce qui va devenir une activité récurrente ces prochains jours, la recherche de l’ombre pour une pause.

Vers le mile 18, c’est la vue sur le lac. J’entame la descente vers le campground de Lake Morena, seul et content d’en finir. Il est 16 h. Suffisant pour une toute première journée.
Ce soir, nous serons 6 à camper et à apprécier une première bière XXL (une légère Corona) achetée au liquor store du coin. Il y a Mavis (chinois de Hong Kong), Rosi (Allemande), Tamary (Porto ricaine), Crocodile Dundee (Aussie), Tattoo (yankee du Colorado) et Wesley (hollandais) qui, féru de plaisanteries sarcastiques et de déductions mentalistes, ne tarde pas à prendre le surnom de « Psycho ».
L’ambiance est sympa et détendue. On est enfin sur le trail. Ce soir je m’endors dans mon palace de 3 m2 et je pense au colibri photographié chez Scout et Frodo. La légende, où petit à petit, chacun fait sa part. A la mesure de ses moyens. Il ne reste plus que 4 240 km pour atteindre le Canada.






