Belle et éprouvante journée. Elle a commencé avec un superbe lever de soleil au dessus des nuages. Le temps de faire sécher les tentes, de manger trois tortillas et de prendre quelques photos, on lève le camp.



Psycho et moi avons deux destinations différentes. Il choisit de bifurquer vers Wrightwood pour y passer l’après-midi et la nuit. Finalement, je me sens prêt à affronter au plus tôt les pentes enneigées du Baden-Powell et continuer jusqu’à Agua Dulce sans prendre de jour de repos .
Je laisse partir Psycho – on se retrouvera à Agua Dulce, dans 90 miles – et je me mets en route à un rythme plutôt cool. Un brouillard épais et très humide a envahi la montagne. Au fil de la progression, je ressens le froid et je suis obligé de sortir le pantalon et la veste coupe-vent. Des petits cristaux de glace se déposent sur moi. Ils recouvrent les arbres comme sous l’effet d’une tempête de neige et tissent des fils d’argent entre les aiguilles de pins.


La neige, justement, fait son grand retour, après la chaleur du désert de ces derniers jours. Le PCT traverse d’ailleurs un vaste domaine skiable avant de redescendre vers la route et le parking du trailhead d’Inspiration Point.


Il fait tellement froid que je m’assoie derrière le bâtiment des toilettes publiques pour faire une courte pause déjeuner. Il y a plus glamour.

Après cette matinée tranquille et humide (et 13 miles parcourus), je passe au plat de résistance. Le sentier va encore progresser en forêt, en traversant quelques campground (au passage merci à la water cache de GrassyHollow) et une zone signalée comme habitée par les ours. Comme j’évolue dans une vraie purée de pois, je me fais mon petit flip et me mets à chanter à voix haute. Imaginez la tête d’un ours entendant du Cabrel ou du Goldman (excusez le répertoire de boomer, mais c’est ce qui m’est venu naturellement).



Puis, après un dernier parking perdu dans le brouillard, c’est la montée vers le maitre des lieux : le Mont Baden-Powell et ses 2865 mètres. Ce n’est certes pas le plus haut sommet, mais à l’instar du Canigou ou du Ventoux, il offre, en sentinelle, une vue contrastée et panoramique sur toute la région. Quatre miles d’une montée abrupte par un sentier bien dessiné mais disparaissant totalement dans sa deuxième partie sous une neige abondante.
Sans équipement, la prudence est de mise. C’est là, alors que je n’ai rencontré personne de la journée, que je retrouve quelque hikers. Parmi eux, un français (enfin) prénommé Mika, parti de Campo le 29 Avril. Il se trouve qu’il connait 24miles car nous avions échangé un peu dans la phase de préparation.
Dans cette ascension, attentifs à chaque pas dans la neige, de peur de glisser sur plusieurs mètres en contrebas, nous n’avons pas vraiment le temps de lier connaissance, mais nous le trouverons plus tard. Pour l’heure, je suis pressé d’en finir avec le Baden-Powell pour redescendre trouver un emplacement pour la nuit. Car outre la fatigue générée par les miles parcourus depuis ce matin, le vent est vraiment froid et violent
A la bifurcation qui mène au point culminant du Baden-Powell, je fais les derniers hectomètres à l’énergie et j’arrive au sommet. Un couple de randonneurs, équipés de piolet et de crampons, est en train d’immortaliser l’événement. Ils proposent de me prendre en photo, ce que j’accepte volontiers (c’est toujours mieux qu’un selfie). Je reste un peu à contempler le paysage – la brume s’est dégagée – et la grande plaine de Los Angeles qui s’étale devant moi. Il y a une stèle à la gloire du sieur Baden-Powell (inventeur du scoutisme), un drapeau américain et, dans une boite, un livre de registre (trail register) que je signe. Puis je redescends vers le PCT.


18 heures. Vu le vent et l’altitude, il est urgent de trouver un emplacement pour la nuit. Mais pour cela, il va me falloir encore évoluer une heure dans la neige, chercher le sentier recouvert, faire quelques glissades (sans danger), avant de trouver un endroit à peu près convenable. Au pied d’un névé et vaguement à l’abri du vent.

Repas rapide. Je me glisse rapidement dans mon sac de couchage pour me reposer de ces 22 miles d’effort. Dehors, c’est le vacarme du vent dans les branches des sapins. La nuit promet d’être froide.
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