La pire journée ! On dit qu’il faut savoir endurer et accepter les mauvais moments pour apprécier les bons… J’en ai fait l’expérience aujourd’hui sous la pluie et le vent glacial.
Depuis 5 heures ce matin, le ciel se déverse de façon ininterrompue. Il m’a fallu beaucoup de temps pour me préparer et me décider à quitter Hiker Heaven dans le brouillard et sous la pluie.Je ne pars qu’à 9h30, seul sur une route détrempée, sans idée précise de l’étape du jour. Les quelques hikers (dont Psycho) qui ont bravé les éléments ce dimanche matin sont partis 2 heures plus tôt.

Quelques miles le long de la route, je ne rencontre pas âme qui vive. A l’exception de l’église du village qui semble bien remplie, à en juger par la cinquantaine de véhicules garés sur le parking et sur la ferveur des chants entendus depuis la route.
Dès les premiers lacets entamés dans les collines, je suis exposé à un vent violent qui rabat la pluie tel un jet sous pression. On a beau avoir le meilleur matériel, aucun vêtement ne résiste à une journée d’exposition à ce type de météo. En ajoutant l’effort des montées et descentes sur un sol boueux, les passages dans des herbes hautes ou entre les arbustes, le corps entier baigne dans la moiteur et l’humidité.
Certains passages sous des lignes haute tension me plongent dans une atmosphère étrange; le fort grésillement électrique et le sifflement du vent dans les fils font carrément flipper. J’ai marché ces 24 miles, sans m’attarder sur un paysage la plupart du temps confisqué par la brume. En de rares occasions, j’ai sorti mon smartphone pour quelques photos. Lors d’un passage à une citerne pour remplir une bouteille, lors d’une très courte pause déjeuner pour un atelier nature créatif.


Trempé et pataugeant dans des chaussettes et chaussures transformées en éponges, je me suis fixé l’objectif d’aller jusqu’à la Casa de Luna (à Green Valley), au moins pour apprécier les bienfaits d’un repas chaud.
La Casa de Luna, kezako ? Un autre spot incontournable du PCT, le domicile de Terrie et Joe Anderson (un couple de trail angels), transformé en lieu d’accueil des PCT hikers. Résolument issus de la culture hippie, ils ont bloqué les compteurs à 1975 et font régner dans les lieux une atmosphère de douce folie créative et d’esprit communautaire.
Bien sûr, quand on arrive à 19 heures, trempé de la tête au pied, et qu’on découvre les lieux où sont disposés à l’arrache des cailloux peints, des hamacs usés, des canapés défoncés et des toilettes de chantiers, on se dit que c’est surtout un vaste bordel.

J’ai droit à un grand hug chaleureux en guise de « welcome » et à quelques conseils pour me sentir à mon aise. Exceptionnellement, météo oblige, je ne revêtirai pas la chemise hawaïenne (c’est la tradition). Pas de douche non plus, plus d’eau chaude. Je vais vite chercher un emplacement pour la tente dans l’immense backyard de leur propriété. Puis je ramène dans le garage toute ma nourriture pour éviter les attaques nocturnes des chipmunks « très gourmands et très agressifs ».

Nous sommes environ 20 hikers réunis sous un auvent, utilisant des plaids pour nous réchauffer, les pieds transis de froid, prêts à déguster la spécialité maison: les tacos-salade. C’est gratuit, c’est chaud, c’est gras et ça fait du bien. Avec un verre de vin californien ça passe encore mieux.


Cette soirée tacos a été marquée par deux moments forts. La séquence « lavage de mains », où on fait tous la queue pour se laver les mains avant de montrer « pattes blanches » à la maîtresse des lieux. Puis celle de la remise du bandana officiel PCT 2019 que l’on doit aller chercher en dansant. Pour ma part, j’ai ondulé sur du Earth Wind and Fire qui m’a valu un gros kiss et un pincement de fesses par Mrs Anderson.
Finalement, humide mais rassasié, j’ai pris le parti de jouer le jeu et d’accepter cette folie un brin trash mais tellement généreuse qui m’a fait remonter un moral tombé bien bas. Je ne mets pas longtemps à trouver le sommeil dans mon duvet, malgré le ballet nocturne des rongeurs. Fuck les chipmunks !
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