J 117 – 25 août. Snoqualmie Pass (Mile 2393).

Dormir en bordure d’une piste forestière garantit un peu plus de clarté que dans la profondeur de la forêt. Mais cela peut avoir comme désagrément d’être réveillé en sursaut, comme ce matin, au son des moteurs de motos trials. Ils sont ainsi une dizaine de pilotes qui passent, sans me voir, à quelques mètres de la tente.

Bon, il est quand même 7 heures. J’aurai été, tout au long de cette aventure, un lève-tard, comparé à la moyenne des thru-hikers.

J’entame cette dernière étape avant Snoqualmie à nouveau dans la forêt. Heureusement, le temps est clair et annonce une journée ensoleillée.

Malgré l’omniprésence des conifères, d’autres essences composent cette dense couverture d’arbres (chênes, frênes, érables et bouleaux). A cette époque de l’année, les feuillages commencent à prendre des couleurs automnales.

Début de l’été indien
Couleurs d’automne

Hormis quelques passages en hauteur, l’étape sera à l’image de la précédente, propice à la réflexion et à l’introspection. Le regard portant au sol un intérêt pour la vie sauvage et ces fantaisies.

Quelques passages au dessus des arbres
Non, ce n’est pas ce que vous croyez
Bonne chance !

Beaucoup plus d’eau sur cette section. Donc peu d’empressement à chercher l’emplacement idéal. Je prendrai ainsi toutes mes pauses en bord de ruisseau.

Seasonal spring
Little creek
Un filet d’eau dans l’océan vert

Le but de l’étape est la station de ski de Snoqualmie Pass. Au fil de la journée, je passe en revue les envies du jour : joindre (wifi) mes proches, prendre une douche, manger une pizza, boire un vrai espresso… Autant de choses « simples » magnifiées par l’effort et qui prennent une inestimable valeur au bout du chemin.

Je termine l’étape en visant droit sur les pistes de ski qui descendent vers Snoqualmie Pass. L’endroit a peu de charme mais il est fonctionnel. Une station essence, un hôtel, un general store et trois bars-restaurants.

Snoqualmie Pass
Le Summit Inn
Dernier modèle

C’est décidé, je passerai la nuit à l’hôtel (Summit Inn qui fait un discount PCT). Pour profiter d’un peu de confort après avoir enchaîné trois longues journées. Et avant une section beaucoup plus accidentée.

Ravitaillement léger au Store. Lessive dans la baignoire. Repas (très bon) au Commonwealth. Et mise à jour du blog en dégustant 1 litre d’Ice cream. Bref que du bon.

Le restaurant Commonwealth

Malgré les bruits de la highway, toute proche, la chambre est confortable et offre une vue sur les sommets environnants et les fameux nuages roses du soir.

Prochaine étape
Dans les nuages roses

J 116 – 24 août. Mile 2365.

Malgré les excès de la veille, je me lève en pleine forme. La douleur au pied gauche à disparu et les courbatures habituelles du matin s’estompent au fil des étapes. Mystère et magie du corps humain.

Je vais quand même calmer le jeu, aujourd’hui, en me limitant à 30 miles. Ainsi, je serai à bonne distance pour atteindre Snoqualmie Pass demain.

Sunrise

Le ciel s’est un peu couvert sans toutefois être menaçant. C’est le temps idéal pour avancer sans souffrir de la chaleur. D’autant que le profil de l’étape ne présente aucune difficulté, avec un faible dénivelé positif.

Brume matinale

Le PCT continue sa progression à flanc de montagne, en balcon sur des vallées tranquilles. Mais il n’oublie pas de replonger de temps en temps dans l’épaisse forêt du Parc national.

Je ne croise, ni ne double personne ce matin. Je suis manifestement dans un timing qui me permet d’avancer entre deux « bulles ». La propriétaire de l’hôtel Packwood nous avait dit que l’hôtel serait complet les deux jours suivant notre arrivée.

Après 13 miles, j’arrive au niveau d’une cabane (Mike Urich cabin) où une cinquantaine de personnes, en habits d’époque, sont réunies pour préparer la reconstitution d’une bataille historique. Il s’agit d’un fait de guerre de 1855 (Yakima War, avant la Guerre de Sécession) opposant les tribus indiennes aux États Unis.

Easy way
Soldats d’hier

Pas d’indiens en vue. A l’exception de leurs descendants occupés à cueillir des myrtilles pour la revente. Et pour la plupart, cantonnés à des emplois subalternes ou au chômage. Tout cela me laisse perplexe.

Je vais passer le reste de la journée à avancer sous un ciel de plus en plus nuageux puis sous la voûte des arbres. Prélevant une quantité non négligeable de fruits des bois.

Plafond bas
Cherchez le nord
Salmonberries, les framboises jaunes

Chose étrange. La « Rain Forest » comporte peu de points d’eau accessibles. Aussi, malgré la nuit qui semble tomber prématurément, je vais poursuivre jusqu’au Mile 2364 pour remplir les bouteilles dans l’unique ruisseau (sur 12 miles) signalé par une marque au sol.

Merci pour l’info
Source de vie

Puis, encore un Mile en descente pour atteindre une piste forestière au Tacoma Pass. Au bord de laquelle je trouve un emplacement pour la nuit.

Finalement la journée aura passé très vite, sans fait ou paysage marquants. Podcasts sur les oreilles, j’ai marché mécaniquement en ne prêtant que peu d’attention à ce qui m’entoure. Il est normal que sur de telles distances, le chemin soit aussi « intérieur ».

Un petit morceau d’infini

J 115 – 23 août. Mile 2334.

Nuit de sommeil profond et réparateur. Le corps finit par accepter le confort d’un lit douillet. Car jusqu’à présent, c’était paradoxalement dans les hôtels que je me reposais le moins.

Ce matin, après le bon café préparé par la maîtresse des lieux, je prépare le sac pour les 4 prochains jours. Crocodile partira de Packwood seulement en fin de journée car il attend une visite de son épouse (arrivée d’Australie) accompagnée par un ami de Seattle. Il semble à la fois enchanté et inquiet de « ralentir » ainsi sa progression vers le Canada. Étonnante nature humaine. Il faut dire qu’après le PCT, sa femme et lui rentreront en Océanie par la voie des mers. Une croisière sur un paquebot depuis Vancouver et faisant escale à Hawaï, Tahiti, Samoa… Sans doute une épreuve de patience terrible pour un insatiable marcheur comme Crocodile.

Je trouve facilement un ride pour rejoindre le PCT et me revoici seul sur le chemin avec mes 4 jours de nourriture. D’abord dans la forêt puis rapidement en balcon sur le Parc National du Mont Rainier.

Le PCT qui…

… monte
… et monte encore.

J’avance vite. Le pied gauche n’est plus douloureux. Les miles défilent sur un terrain facile aux faibles pourcentages. Passant d’un versant à un autre, les paysages sont tout aussi superbes. Particulièrement les lacs et les vues directes sur le Mont Rainier.

Crystal Lake et Rainier couronné
Rainier dans les nuages

Au fil des heures, je me surprends à envisager de rejoindre Snoqualmie Pass en 3 jours plutôt qu’en 4. Non pas qu’il s’agisse d’une priorité absolue (il n’y a presque rien à Snoqualmie) mais plutôt pour challenger un peu cette fin de parcours. Où il est aisé de marcher plus de 30 miles par jour.

La lumière douce de la fin de journée met en valeur ces paysages montagneux du Washington. Des crêtes minérales aux rivières serpentant dans les prairies.

du minéral
et du végétal

Quelques nuages s’accumulent sur les sommets. D’autres, vers 19 heures, remontent de la vallée pour la nuit. Je fais une pause pour dîner adossé à un rocher, au sommet d’un col offrant une vue sur deux vallées. Puis je continue encore quelques miles, entre chien et loup, plutôt en descente, jusqu’au prochain point d’eau.

Balcon sur le Washington
Evergreen state

Au mile 2334, je remplis les bouteilles à la frontale et tente de trouver un emplacement dans le bosquet en contrebas. Mais je distingue trois tentes et ne souhaite pas « déranger » des confrères hikers dans leur sommeil réparateur.

Je continue à suivre le chemin dans la nuit. Jusqu’à un petit bois offrant un sol relativement plat pour poser une tente.

Une nuit sur la Terre

Il est presque 22 heures quand je me glisse dans le sac de couchage. Satisfait et à peine fatigué d’une journée de…40 miles (64 km, un délire). Bien à l’abri sous les arbres, j’écoute les bruits de la nuit. Quelques oiseaux nocturnes essayant de couvrir le son rassurant du vent dans les cimes. Et les chipmunks qui tournent intrigués autour de la tente. Rien qui n’empêche de trouver le sommeil dans un état de profonde félicité.

Que la montagne est belle.

J 114 – 22 août. Mile 2295 (puis Packwood)

Ce fut une sage décision que d’arrêter plus tôt hier. Le vent de l’ouest a fait le nécessaire pendant la nuit pour chasser la dépression. Et malgré quelques nuages résiduels, le PCT m’a offert une des plus belles journées de l’aventure.

On voit la vallée

Je pars vers 7 heures dans un paysage encore brumeux. J’ai eu la surprise de plier facilement la tente qui est restée sèche sous la voûte des pins, malgré la pluie. Ce n’est pas le cas des chaussures et des chaussettes.

Très rapidement, en montant dans le brouillard, je suis recouvert de fines gouttelettes glacées. Et le vent me refroidit encore davantage. Mais le paysage à l’horizon me ravit et me rassure sur l’évolution du temps.

Mont Adams

Le Mont Adams émerge d’un océan de nuages et domine la vallée.

Un dernier au revoir

Le chemin prend de plus en plus d’altitude et retrouve la neige. Quelques névés verglacés qu’il faut traverser (sans équipement) avec la plus grande attention.

Tobbogan garanti
Lueurs de l’aube
Et premiers rayons de soleil

Puis, au passage de la « old snowy mountain », c’est l’enchantement des yeux. Le temps s’eclaircit de plus en plus. S’offre à moi l’un des plus beaux panoramas du Washington sinon du PCT.

Mont Rainier
Knife Edge
Just look
And look again

Les Goat Rocks se traversent principalement en ligne de crête. Le long du fameux Knife Edge. Impossible de ne pas s’arrêter toutes les minutes pour prendre en photo cette perspective magnifique.

PCT en ligne de crête
Sur la pierre volcanique
Au loin le Mont Rainier
So beautiful

Le Mont Adams, derrière, et le Mont Rainier (le plus beau) en face. Les maîtres des lieux dominant de leur majesté un paysage de montagne à la fois impressionnant et rassurant.

Le plus beau

Car je me retrouve en terrain connu. Il y a un peu des Alpes et des Pyrénées dans ces arêtes, cirques et vallées. De quoi soigner mon overdose de forêt humide et opaque.

Sur le versant Est, le regard plonge vers les eaux cristallines du Shoe Lake. Qui me ferait presque regretter de ne pas y camper. Mais il ne reste que quelques miles pour rejoindre White Pass et la civilisation.

Green valley
Shoe Lake
Shoe Lake II

Dans une descente vers une vallée intermédiaire, je rejoins un hiker, déjà rencontré quelques jours plus tôt. Duncan est un jeune webmaster français (oui oui) originaire de Maussane-les-Alpilles. Nous marchons quelques miles ensemble et nous arrêtons faire la pause déjeuner au bord d’un étang. Duncan est un type intéressant et sympathique. Il fait le PCT comme une expérience de vie plus qu’un exploit sportif. Ouvert d’esprit et proche des gens. A White Pass, il arrêtera une semaine le temps d’aller au festival Burning Man, où il est bénévole depuis plusieurs éditions. Ce sera sans doute difficile de reprendre le chemin, mais je ne doute pas de sa détermination à aller au bout.

Balcon sur les Goat Rocks
Descente sur White Pass

Les derniers miles nous mènent à White Pass, où l’on rejoint, le long de la highway, un relais routier (épicerie, bar et station service).

Le long de la highway pour White Pass

Le temps de dévorer un paquet de chips et de boire 1 litre de soda, Crocodile nous rejoint.

Duncan « Ritual »

Je salue Duncan qui attend un ami pour aller vers le Nevada. Avec Crocodile, nous décidons de faire du stop pour la charmante ville de Packwood et le non moins charmant hôtel familial « hôtel Packwood ».

Hôtel Packwood

De fait, l’endroit est hyper agréable. Les prix sont doux (40 $ la nuit). La propriétaire de l’hôtel est aux petits soins pour nous. On se sent comme à la maison.

Douche, linge et repas (ah le big foot burger!) au Saloon. Nous partageons la même table que Dave et Valentina, un couple de Vancouver, avec qui nous sympathisons.

Hummmmm.
Crocodile, Dave et Valentina

Une super soirée en clôture d’une superbe journée.

Don’t forget this day…

J 113 – 21 août. Mile 2275.

Pluie et brouillard. La réputation du Washington n’est pas usurpée. J’ai passé une journée à essayer de deviner les paysages qui, prenant de l’altitude, offrent de magnifiques panoramas alpins.

Matin au sec

Ce matin, j’ai eu droit à un quatrième trail magic en 2 jours. Au premier croisement du PCT avec une route forestière, deux jeunes (Sidney et James) se sont installés pour la journée et offrent boissons, fruits et pâtisseries aux PCT hikers. Je suis le deuxième (Il y a un section hiker) à m’arrêter. Le temps de manger un donut, du raisin et de boire un Pepsi. Encore un moment sympathique plein de générosité et de respect. Sidney à fait le PCT l’an dernier jusqu’au Midpoint et souhaite terminer son aventure l’an prochain. Bonne chance et merci à elle.

Trail magic !!!
James et Sidney, trail angels

Après ce moment de réconfort, je vais parcourir les derniers miles de forêt avant de goûter aux plaisirs humides de la haute montagne du Washington.

Prairies humides

En avançant sur un chemin étroit parmi les buissons de myrtilles et les fougères mouillées, je ne tarde pas à avoir les jambes et les pieds totalement trempés.

+ Chemin humide
= Pieds humides

Je retrouve les sensations de certains jours de pluie du SoCal. A la différence que le paysage semble plus en harmonie avec la météo. « The evergreen State » à quelques raisons objectives d’avoir cette réputation.

Sheep Lake

Bien sûr, en entrant dans la réserve indienne Yakima, il y a un peu de frustration de ne pas avoir une vue entièrement dégagée sur cette magnifique montagne. Notamment au passage du col Cispuss.

Montée vers Cispuss Pass
Dans la brume

Je devine plus que je ne vois les cirques glaciaires, les pentes vertes traversées par de multiples cours d’eau et un chemin qui avance en balcon sur la vallée constellée de lacs et de cascades.

Gifford Pinchot valley
Evergreen State ?
Cascade de Cispuss river

La brume et la pluie apportent une touche de mystère à l’ensemble. Et renforcent l’impression de solitude (je n’ai croisé que 5 personnes en une journée).

Début des Goat Rocks
Mystère…

Je pourrais aller plus loin mais, après 25 miles, je suis trempé et refroidi par ces conditions météo. La douleur au pied gauche n’a fait qu’amplifier au fil des heures. J’ai surtout envie de me donner une chance de parcourir la prochaine section (le fameux Knife’s Edge) sous un temps plus clair et plus clément.

Au mile 2275, je choisis un emplacement sous les arbres, le sol sableux est presque sec, pour passer la nuit. Un léger vent va – peut être – permettre de garder la tente au sec. Un ruisseau coule à quelques mètres. Encore un endroit magnifique.

Pour autant, je ne tarde pas à investir la tente pour y dîner et me réchauffer. Il n’est que 18 heures, peu importe. Au moins je profiterai d’une soirée musique et d’une bonne nuit de sommeil.

Trouver un campement dans les arbres
Et attendre le beau temps.

Étrangement, j’apprécie ces moments pourtant difficiles. Ils font partie integrante de cette aventure. La pluie, le brouillard et le vent y prennent leur part. Ils m’obligent à m’adapter et à puiser dans les ressources physiques et mentales.

Et la nature sauvage dans laquelle je vis depuis près de 4 mois est belle sous tous les temps. Je suis à peu près sûr que je demarrerai la journée du lendemain avec des chaussures et chaussettes trempées. Et que les trois barres de céréales de mon petit déjeuner ne me rechaufferont pas plus que ça. Mais pourtant, je m’endors en pensant surtout aux Goat Rocks et aux paysages magnifiques qui m’attendent demain.

Le ciel s’eclaircit

PS: si le soleil veut se joindre à la fête, il est le bienvenu.

J 112 – 20 août. Mile 2250.

Depuis Trout Lake, j’ai pris la première « navette » à 8h00 pour rejoindre le PCT. Des bénévoles de la ville font 5 rotations par jour, avec un pick-up, pour assurer cette liaison. Juste énorme.

Jim, veteran des Marines, me parle de ses « voyages » (Afghanistan, Irak, Somalie …) et regrette de n’avoir jamais fait le PCT. Quand je lui dis qu’il n’est pas trop tard, il me répond « je l’aurais fait pour que ma femme m’admire, malheureusement elle est décédée ». Après tout, chacun sa motivation.

Vue sur Adams depuis Trout Lake

Depuis le trailhead, je m’engage sur le PCT. Mais après seulement 10 minutes de marche, je tombe sur un trail magique à une intersection. Rick a préparé une table pleine de friandises et de boissons. Je m’arrête forcément (bien qu’ayant pris un breakfast à Trout Lake) pour profiter de ce moment de partage. Alors que je déguste quelques fruits frais, un autre hiker vient nous rejoindre. Je reconnais Crocodile. Nous sommes heureux de nous retrouver ainsi, 112 jours après être partis ensemble le 1er Mai. Rick semble amusé de voir ces deux spécimens « plus si jeunes » tenir un tel rythme.

Rick, trail angel.
Veterans on trail

En fait de rythme, celui de la journée va plutôt être cool. Avec le trail magic, l’étape ne démarre qu’à 11 heures.

Nous allons marcher quelques heures ensemble, avec Crocodile, dans une forêt, tantôt humide et profonde, tantôt brûlée et aérée. Formant un rideau gris à travers lequel on devine la masse imposante du Mont Adams.

Le mont Adams
finit par se dévoiler

Puis le chemin prend de la hauteur et offre de belles vues sur le Mont Adams mais aussi le Mont Rainier au loin. C’est le retour des paysages de pierre de lave. Ainsi que des prairies humides et des lits de torrents formés par la fonte du grand glacier du Mont Adams.

Des fleurs
Des pierres
De l’herbe

L’eau est abondante, sur ce versant, mais trop boueuse pour la filtrer et la boire.

Adams Creek

Les Sobos rencontrés dans la journée nous avaient prévenu « attention à la traversée compliquée de la rivière Adam Creek ». De fait, nous la traversons sans aucun problème, comme de vieux habitués. Ça nous rappelle celles de la Sierra. A peine deux mois et déjà gagnés par la nostalgie.

Vers 17 heures, Crocodile souhaite s’arrêter pour camper. Je poursuis encore 5 miles jusqu’à Lava Spring, au moins pour faire 20 miles. Jusqu’à un emplacement tranquille, sous les arbres et proche d’un ruisseau.

Campement du soir

J’ai mal au pied gauche, une douleur lancinante sous la voûte plantaire. Mes chaussettes sont trouées (Je n’ai plus qu’une paire). Bref, même si l’étape à été courte, je n’ai pas envie de continuer.

Curieux et…
…gourmand

Après avoir installé le campement, je passe un long moment allongé à … contempler dame Nature. Et à jouer avec un écureuil qui s’intéresse à mon paquet de chips. Les chipmunks et les geais tournent autour de moi. Ça grouille de vie. C’est beau.

Goodbye Adams

J 111 – 19 août. Mile 2229 puis Trout Lake.

Je me suis endormi dans la douce lumière du soir de Bear Lake et je me réveille … au bord du Loch Ness. La brume épaisse recouvre le lac, la forêt et dépose sur la tente plein de gouttelettes. L’extrémité du sac de couchage, en contact avec la paroi, est humide. Dans ces conditions, difficile de sortir de son cocon et de se mettre en route.

Pour les cinéphiles
Matin humide et brumeux

Le PCT, ce matin, reste en sous-bois et se fraie un passage dans les buissons de huckleberries. Avec la rosée abondante, j’ai vite les jambes et les pieds trempés. Il me faudra deux heures de marche pour retrouver un semblant de confort.

Au croisement de plusieurs pistes, un écriteau annonce un trail magic. De fait, je tombe sur un campement hyper organisé où m’attendent un feu de camp, un breakfast chaud, des boissons, des pâtisseries, des fruits, des barres énergétiques, du textile, des produits d’hygiène et une station de recharge.

Trail magic 4 étoiles

A l’initiative de toute cette générosité, 3 amis qui ont en commun le goût de la vie outdoor et l’admiration des PCT hikers. Ils ont pour trail name : Coach, Shirtless et Ice Axe.

J’aurai droit à du café chaud, des oeufs brouillés et des donuts. Ainsi que le plaisir d’échanger au coin du feu avec deux autres hikers (sobos) et nos trail angels.

Avec Ice Axe, Coach et Shirtless

Quand je repars, le soleil s’est enfin levé et la brume s’est dissipée. Le long du sentier, c’est la pleine saison des baies (fraises des bois, myrtilles et huckleberries) qui poussent en pagaille.

Huckleberries
Fraises des bois

D’ailleurs, hormis pour sa consommation personnelle, la cueillette, à des fins commerciales, est réglementée. Elle est réservée uniquement aux Indiens depuis une convention de 1932.

Indians only

Comme dans le NorCal, il faut parfois emprunter une piste parallèle pour avoir un horizon plus dégagé. Et apercevoir, au dessus des arbres, la montagne dominant la région. En l’occurrence, le Mont Adams.

To Mount Adams

Vers 14h30, après seulement 21 miles, j’arrive à l’intersection de la route 23 qui mène à Trout Lake. J’ai loupé la navette de peu. Mais la première voiture qui passe s’arrête et m’amène à Trout Lake en moins de 20 minutes.

Trout Lake: juste un hameau

Je trouve tout le confort souhaité au Grocery Store qui, outre l’alimentation, propose aux PCT hikers de camper sur la pelouse du jardin du propriétaire (5 $), de faire la lessive (gratuit) et le pack Wifi et recharge de batteries (gratuit). Les douches (2 $) sont situées à 5 minutes au campground de Trout Lake.

Grocery Store
Et son jardin camping

L’après-midi va être un vrai moment de détente, une fois la lessive faite et la douche prise. Allongé sur la pelouse, à grignoter des chips et à mettre à jour le blog.

La propriétaire nous emmène dîner chez sa nièce qui tient le restaurant mexicain du village. Nous sommes quatre (Un couple de québécois, un Sobo New-yorkais et moi) à dîner ensemble. Bonne bière, assiettes généreuses et discussions sympas.

Vue depuis le restaurant

Je regagne la tente vers 21 heures. Le jardin sent les herbes aromatiques. Je laisse les absides de la tente ouvertes. Il fera sans doute moins humide qu’au bord du lac. Et je m’endors tranquillement au chant du grillon.

J 110 – 18 août. Bear Lake (Mile 2209)

Après une nuit de sommeil profond, je mets beaucoup de temps à lever le camp. En partant à 8h00, je ne mets pas toutes les chances de mon côté pour faire 30 miles. D’autant qu’à peine 5 minutes après le départ, je m’arrête pour faire le plein des bouteilles d’eau au pont de Panther Creek.

Panther Creek

Puis c’est le début des affaires sérieuses. Le chemin entame une montée de 9 miles plutôt exigeante car la pente est inhabituellement forte. En fait, ce n’est pas pour me déplaire car je retrouve le profil de certains GR français. Le PCT étant sur 99% de son tracé plutôt un sentier évitant les forts pourcentages. D’où ses interminables lacets et des segments plus longs.

Angle droit

Le chemin évolue en forêt mais ouvre quelques « fenêtres » sur la chaîne des Cascades et l’horizon. On devine au loin quelques hauts sommets.

Paysage au nord
A l’approche du Mont Adams

Je croise une water cache (merci) et quelques pistes forestières permettant de faire des pauses (terrain plat). Ou, encore mieux, de tomber sur un « trail magic », comme celui du mile 2198.

Water Cache
Annonce de trail magic

Un grand merci à « Cowboy » pour la qualité de son accueil et sa générosité. Des sodas, des fruits frais, des pâtisseries et même la possibilité de recharger le smartphone. Cowboy est ainsi prêt à accueillir la vague de tous les hikers des PCT days qui sont 1 ou 2 jours derrière.

Cowboy, trail angel.

Après 1 heure de repos, je reprends le chemin pour quelques miles de plus. Le plein d’énergie du trail magic me donne des ailes. Le paysage me plait. La forêt, bien sûr, mais avec une succession de lacs, de petites prairies et de vues sur la vallée.

Il est ifficile de ne pas s’arrêter goûter les huckleberries et les myrtilles. Et encore plus frustrant de laisser les cèpes faute de pouvoir les cuisiner.

Un des nombreux cèpes au bord du chemin

En musardant un peu trop, il est déjà 19h30 quand j’arrive sur les berges de Bear Lake. Je choisis de camper sur le bout d’une presqu’île, quasiment les pieds dans l’eau.

… Bear Lake

L’endroit est magnifique. Pas de moustiques, des baies sauvages à profusion et une tranquillité absolue. Le genre d’emplacement dont on rêve quand on prépare le PCT.

Emplacement au bord de …

Après les ramen du soir et les tortillas au Nutella, je regarde le profil de l’étape du lendemain. L’objectif est d’atteindre, au bout de 20 miles, la Forest road 23 qui mène à Trout Lake. La petite ville jouissant d’une super réputation sur le PCT, car accueillante et disposant de toutes les commodités pour les hikers. Je rêve d’une douche…

J 109 – 17 août. Mile 2183.

J’ai passé ma première nuit dans le « evergreen state ». L’Etat de Washington commence au milieu du « Bridge of the Gods », au dessus des eaux agitées du fleuve Columbia. Il est réputé pour ses paysages boisés et montagneux qui bénéficient d’un climat océanique peu avare en pluie et humidité. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme la Normandie, le Pays Basque ou les Asturies.

Finalement, je ne regrette pas de ne pas avoir fait un zéro hier. Je profite d’une bonne forme physique et d’une météo fraîche pour continuer la progression et j’ai une marge de liberté pour faire plusieurs demi-journées de repos dans les prochaines villes étapes.

Entrée dans le Washington

La journée (presque 30 miles) s’est déroulée sans difficulté malgré une succession de montées et descentes. Hormis quelques passages dans des secteurs deboisés, le PCT serpente dans une forêt très dense. Par moments, l’humidité permanente lui donne des faux airs de jungle tropicale.Les grands conifères sont recouverts de mousses et de lianes. Le sentier est bordé de hautes fougères.

Beaucoup de fougères
Beaucoup de ponts

Il ne s’agit pas d’aller trop vite mais bien de profiter des instants de plénitude que m’offre cette aventure. Il se trouve que pour l’instant je les trouve plus facilement au bord des lacs et au sommet des montagnes.

D’autant plus quand j’ai la surprise, comme aujourd’hui, de recevoir un appel téléphonique de ma compagne. Le chemin qui suit semble alors plus facile, plus aérien. Sac léger et coeur plein.

Il faut lever la tête pour avoir un peu de lumière

Je n’ai vu que des Sobos; je pense que nombre de Nobos sont restés à Cascade Locks pour les PCT days. Je vais sans doute bénéficier de cet espace-temps entre deux bulles. Pour satisfaire ma nature sauvage, certes, mais aussi pour trouver de bons emplacements libres.

Perfect tentsite

Ainsi, vers 19 heures, je trouve un endroit idéal pour camper. Proche d’une source et du campground de Panther Creek. Bien que l’emplacement soit suffisamment large pour accueillir plusieurs tentes, je suis seul à y passer la nuit.

Avec eau courante

Un pêcheur, du campground tout près, viendra un peu discuter avec moi. A un moment, il éclate de rire quand je lui dis qu’il « ne reste plus que 500 miles « . Il me répond « mais c’est énorme ! ». Il n’a pas tort, mais mon référentiel espace-temps a tellement changé que je n’ai plus conscience de l’ampleur de cette aventure. 500 miles (800 km) équivalent à un Paris-Bayonne à pied. Une paille !

Jungle

J 108 – 16 août. Cascade Locks (Puis Mile 2154)

Réveillé tôt ce matin par la présence d’un animal autour de la tente. Je pense qu’il s’agissait d’un gros rongeur, plus bruyant que dangereux.

Le temps est humide et brumeux. Sur les 16 miles qui mènent à Cascade Locks, je vais en parcourir une bonne partie dans me brouillard.

Réveil dans la brume
Horizon bouché

Le chemin, après quelques montées classiques, va plonger vers la vallée de la Columbia River. Par moments, on aperçoit le fleuve (très large) mais l’essentiel de la descente se fera en sous-bois.

Vue sur le fleuve Columbia
Et l’Etat de Washington

Ainsi l’arrivée sur Cascade Locks se fait tout en douceur. Le PCT passe sous la highway et aboutit juste en face du « Bridge of the Gods ».

Sous la highway
Passage d’un état à un autre

Ce pont devenu mythique marque le passage de l’Oregon à l’état de Washington. Enjambant la Columbia river dans sa partie la plus étroite. J’ai en mémoire la scène de la fin du film « Wild », où Sheryl Strayed termine son aventure. Ces mots font écho à nombre de sensations qui m’animent. Ce n’est pas la fin, bien sûr, mais cela ressemble à un passage symbolique vers autre chose. Il reste 500 miles et de nombreuses années, je l’espère, pour en mesurer la valeur.

Bridge of thé Gods I
Bridge of thé Gods II
Bridge of thé Gods III

Je photographie le pont sous toutes les coutures. Des touristes me prennent en photo. Une marchande de primeurs m’offre des pêches et une barquette de myrtilles. Je ne suis étonné de rien.

Après un hamburger pris au Bridgeside, je me dirige vers le campground réservé aux PCT hikers. Pour cause de PCT days, il a été déplacé sur la petite île adjacente.

Un hamburger avec vue sur le pont
Entrée du campground

Il règne une ambiance de festival. De très nombreuses tentes sont installées. Il doit y avoir des centaines de hikers (pas tous thru) et de touristes. Le village des exposants va ouvrir et la ville attend encore plus de visiteurs.

Entrée du village des PCT days

Je suis un peu « étourdi » par cette foule. Après des jours quasi en solitaire dans le Wilderness, loin de tout cela, c’est difficile. Je reste un long moment allongé dans l’herbe, à observer l’arrivée des hikers. Le temps aussi de passer quelques appels en France.

Marine Park Island
Et son alignement de tentes
Vue du pont

Hey Viggo! Je reconnais Crocodile qui vient vers moi. Nous échangeons nos impressions. Il est arrivé hier et à pris un zéro ce vendredi. Nous envoyons un message à Psycho (sans doute à Timberline). Puis visitons le village des exposants. Je résiste (facilement) à l’envie d’acheter du nouveau matériel. Finalement, j’ai déjà tout ce qu’il faut. Un autre enseignement du chemin.

Puis je prends la décision de ne pas rester. Le temps de faire quelques courses et de recharger l’électronique, je me dirige vers le pont pour rattraper le PCT et poursuivre le chemin. Non pas que l’appel du Canada soit plus fort que tout, mais je préfère la tranquillité de certains lieux pour passer une (demi) journée de repos. Ainsi, je pense profiter de Trout Lake, dans moins de 3 jours, pour me relaxer. Le sauvage l’a emporté sur le sociable. Mais l’essentiel est d’être en accord avec soi.

Un passage