J 86 – 25 juillet. Paynes Lake (Mile 1594).

Et oui, même pas 30 miles !!! Mais le lac est trop beau, invitant à se poser au calme, se baigner et passer la nuit sur le rivage.

Bon, il ne faut pas exagérer. Je viens de réaliser une troisième grosse journée. Toujours en ayant aussi mal aux pieds. Toujours en étant aussi peu « emballé » par le paysage.

Ma carotte, c’est de passer demain un gros « nero » day (near zero) dans la petite ville d’Etna. La route qui y mène n’est qu’à 5 miles.

Je suis parti ce matin à 6 heures. Ayant dormi rapidement et profondément, je m’étais réveillé à 5 heures sans pouvoir me rendormir. Les premiers miles, à la fraîche, sont vite avalés. Le chemin sort de plus en plus de la forêt pour se retrouver à flanc de montagne. Le relief est très accidenté, composé d’aiguilles de granit et d’eboulis. Beaucoup d’arbres brûlés ajoutent une touche de désolation à cette montagne du Nord Californie.

Le chemin change parfois de versant, histoire de nous remettre une couche de Mont Shasta. Mais aussi de traverser quelques ruisseaux (rares) bienvenus. Et comme on finit par s’habituer à tout, je trouve même que le paysage gagne en intérêt à partir de l’entrée dans le Russian Wilderness. 

Entrée dans Russian Wilderness
Le PCT sort du bois
Et prend de la hauteur

Vue panoramique, passages vertigineux, lacs d’altitude et nombreux ruisseaux. Avec de temps à autre, une vue sur la Scott Valley et ses anciennes mines.

Jackson Lake
Au loin, Scott Valley
Lys de montagne

Je croise quelques randonneurs à la journée. L’un deux, habitant Etna, m’apprend que la Scott Valley est le coeur de revendication de la création d’un 51eme état : le Jefferson State. C’est loin d’être une plaisanterie et basé sur une réalité historique. Et puis, ce qui m’amuse c’est quand il ajoute : » la Californie est déjà suffisamment grande. Ici elle ne sert à rien ». Sentiment partagé par un PCTiste qui n’en finit pas de marcher … en Californie.

J’ai bien pensé poursuivre mon chemin jusqu’au Mile 1599 pour rejoindre Etna dès ce soir, mais j’avoue avoir vite abandonné cette idée. D’abord je suis fatigué par ces grosses étapes. Ensuite, j’aurai plus de chances d’avoir un « ride » demain matin plutôt que vers 20h00 ce jour. Enfin, il y a ce spot d’enfer qu’est le Paynes Lake.

Paynes Lake 1
Paynes Lake 2

J’installe la tente, au bord de l’eau, entre deux arbres. Puis je me mets en boxer pour une baignade de 30 minutes dans une eau tempérée (Le lac est chauffé par le soleil toute la journée). Intense sensation de liberté. Autour, il n’y a rien, ni personne.

Chambre avec vue sur piscine

Je m’allonge sur un grand rocher plat pour sécher. J’observe les ronds dans l’eau (truites) et le ballet des libellules. Toute la fatigue accumulée semble s’être évaporée et laisse place à un profond sentiment de bien être.

Lake Placid

Je dîne avec Katie Melua, Norah Jones, Damien Rice, Muse et quelques autres. Chacun à sa manière semble en harmonie avec cette soirée au bord d’un lac perdu dans … l’Etat de Jefferson. Et je vis intensément la chance que j’ai d’être ici.

Seasonal stream
Klamath valley

Visa et permis

Préparer un voyage, c’est déjà voyager un peu. En l’occurrence, préparer une aventure telle que le PCT, c’est aussi un long parcours administratif. Il est jalonné d’étapes à franchir qui vous rapprocheront peu à peu du jour de votre départ.
3 étapes importantes consistent à obtenir :

  • le visa pour les USA
  • le permis de marcher sur le PCT : PCT Permit
  • les autres permis
1/ Le visa

Il est obligatoire (si vous êtes français et) si vous comptez aller au bout du PCT. Car il vous faudra bien plus que les 90 jours autorisés par l’ESTA. Le sésame s’appelle alors le « visa B2 », adapté aux séjours touristiques de 3 à 6 mois.
Pour l’obtenir, il faudra lire avec attention les consignes du site de l’ambassade américaine. Puis remplir le long formulaire DS-160 en ligne, obtenir un numéro de validation (associé au compte de demandeur), payer 160 USD (uniquement par carte de débit ou par virement) et prendre rendez-vous à l’ambassade américaine. Pour ma part, j’ai obtenu ce RDV dans la semaine de ma demande.

Lors de ce rendez-vous, plutôt stressant, veillez à vous munir de votre convocation, de votre passeport (validité minimum de 6 mois), du formulaire DS-160 et d’une photo d’identité récente de taille 5 X 5 cm (format US obligatoire). Mais aussi, de tout document prouvant :

  • la motivation de votre voyage (tracé du PCT par exemple)
  • la couverture financière suffisante (relevés bancaires)
  • les garanties de …votre retour en France au terme du voyage (par exemple une attestation d’employeur)

Au terme de 30 minutes d’attente et d’un bref entretien (en français et en anglais) avec un officier consulaire, vous aurez droit – je l’espère – au fameux «your visa is approved». Votre passeport, agrémenté du VISA d’une validité de 10 ans, vous sera retourné par courrier postal dans les cinq jours.

Edit – Mon retour d’expérience.

J’ai obtenu le RDV à l’ambassade américaine (Paris) un vendredi à 10h30. Je patiente dans le jardin public le plus proche dès 9h45, occupé à dresser l’inventaire de mon dossier, «répéter intérieurement» mon argumentaire et observer les autres personnes manifestement dans les mêmes dispositions que moi. Le stress montant, je rejoins dès 10h15 (vous n’y êtes pas autorisés avant), une file d’attente d’une dizaine de personnes.

Puis vient le passage au poste de sécurité. je vide totalement mes poches et confie à l’agent de sécurité tous mes objets électroniques éteints (clés usb, cartes sd incluses) et tous les objets métalliques avant de passer dans un sas. Attention, la personne qui me suit se fait refouler car elle est venue avec son PC, ce qui est totalement interdit. Après ce poste de sécurité, j’obtiens un badge visiteur et accède à la salle d’attente des visas B1 et B2 de l’ambassade.

L’organisation à l’américaine est au top. Une première file d’attente rapide pour passer un premier guichet : présentation du passeport, de la confirmation de RDV et des photos d’identité, puis capture de mes empreintes. Une deuxième file d’attente, 15 à 20 minutes, avant de se présenter au second guichet face à l’agent chargé d’évaluer ma demande.

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Petit lexique du PCT

La communauté des « thru-hikers » a son propre jargon. Voici un petit lexique (non exhaustif) des termes et acronymes utilisés couramment sur le chemin.

AYCE (All You Can Eat) : quand vous avez la dalle, les crocs, une faim de loup, bref la fameuse «Hiker Hunger» = la grande faim du randonneur au long cours.

BASE-WEIGHT : le poids de base de votre sac à dos, sans nourriture, eau ni autres consommables.

BEAR CANISTER : la boîte à ours pour stocker des aliments et tout ce qui a une odeur attrayante pour un ours (popote, articles de toilette, etc.). C’est un récipient plastique volumineux, très solide et transportable. Il est obligatoire sur plusieurs sections du PCT. Au campement il doit être placé à distance de la tente (au moins 100 mètres). La «bear canister» peut aussi faire office de bon tabouret

BONUS MILES: Il s’agit de tous les miles supplémentaires qui, sans faire officiellement partie du PCT, devront être parcourus pour rejoindre un point de réapprovisionnement, un bureau de poste, un hébergement, une source d’eau, un bon terrain pour camper… Mais aussi les détours (en cas d’incendies) et les erreurs de navigation.

BOINK: (verbe) manquer d’énergie du fait d’une consommation insuffisante de calories.

BOUNCE BOX : c’est un colis de ravitaillement ou d’équipement que vous pouvez vous envoyer par la Poste tout au long de votre parcours (littéralement la « boite rebond »).

CAIRN: pile de pierres fabriquée par l’homme pour baliser et signaler le sentier.

CAMEL UP: Boire autant d’eau que possible lorsqu’on se trouve à une source. Outre l’hydratation, c’est aussi une manière de réduire le volume d’eau à transporter.

CAT HOLE: une des pierres angulaires de la philosophie LNT (Leave No Trace). C’est le trou que vous creusez pour assouvir et enterrer … un gros besoin naturel. Il est recommandé de faire ce «trou de chat» profond de 15-20 cm et le plus loin possible (200 m) du sentier et de toute source d’eau..

COWBOY CAMPING: Dormir à la belle étoile. Sans abri (sans tente ni tarp). .

DAY HIKER: randonneur à la journée (promeneur) avec lequel le thru-hiker n’aime pas être confondu.

DRY CAMPING: Camper sans source d’eau à proximité. Ce qui n’est pas l’habitude des randonneurs qui recherchent plutôt la proximité d’un point d’eau pour la nuit. Toutefois dans les zones à ours, les randonneurs dînent à proximité d’une source d’eau, puis poursuivent leur randonnée quelques heures après.

FLIP FLOP: tactique consistant à effectuer une partie du PCT puis de sauter une section dans l’intention d’y revenir plus tard. Par exemple, dans une année très neigeuse, un randonneur peut sauter la Sierra (en juin), terminer le reste du PCT, puis revenir dans la Sierra en Août, dans des conditions plus favorables.

FLOATIES: se dit de tout corps étranger flottant dans votre eau après avoir rempli vos bouteilles.

GIARDA: parasite intestinal qui provoque des crampes d’estomac, une diarrhée chronique, des nausées et tous les autres désagréments associés. Il est transmis par contamination de l’eau via les matières fécales. D’où l’incitation à la philosophie du LNT et l’usage quasi systématique d’un filtre à eau.

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Ressources web

La communauté web des thru-hikers, grâce à de nombreux sites, blogs et forums, nous offre les possibilités d’une bonne préparation du PCT.

Quelques sites incontournables :

Coup de cœur : Pour les aspirants PCTistes francophones, le forum de HFR héberge un topic PCT qui est une bible de renseignements et de retours d’expériences. Animé par une poignée de passionnés, offrant une grande liberté de ton et d’échanges. Ce forum en français est très largement documenté grâce aux apports des « french hikers » et à l’abattage du « taulier » André ;). Ce dernier ayant également publié son récit « Un aller sans retour ».

Autres outils pratiques:

Et pourquoi pas ?

Mark

Mi rêve – mi obsession. C’était LE projet de l’année 2019 …

Marcher 4 270 km pendant 5 mois, du Mexique au Canada. De Campo à Manning Park, en passant par les déserts du Sud Californien, les cols enneigés de la Sierra Nevada, les forêts de l’Oregon et les montagnes de la Cascade Range.

A quoi ça sert ? A rien, mais c’est sur ma liste*.

“I haven’t been everywhere, but it’s on my list.” – Susan Sontag

Car parmi les choses inutiles – et donc essentielles – que je souhaitais faire avant … qu’il ne soit trop tard, il y avait le PCT.

Le PCT (Pacific Crest Trail) est un itinéraire de randonnée qui traverse principalement des milieux sauvages préservés. L’éloignement des habitats, la distance et la topographie en ont fait un sentier « mythique » qui offre à ceux qui entreprennent de le parcourir les garanties d’une parenthèse enchantée, d’une aventure extraordinaire ou d’un défi personnel. Escalader les 4 421 m du Mont Whitney, dormir « in the middle of nowhere », user plusieurs paires de chaussures, éprouver à l’extrême le froid et la chaleur, la faim et la soif, l’enthousiasme et la lassitude, la peur et la sérénité.

C’est un peu plus que les 10 000 pas par jour recommandés par les médecins pour maintenir la forme. C’est beaucoup plus que tout ce que j’avais fait jusqu’ici 😉

Eté 2018, notes pour plus tard: même si j’ai l’expérience de randonnées au long cours (le Camino de Santiago, la traversée des Pyrénées par les GR10 et GR11, la Via Alpina, le chemin de Stevenson, le GR20 en Corse, … ) et quelques reliquats d’une condition physique formatée sur les terrains de rugby puis le macadam des marathons. Même si j’ai lu avec curiosité les récits des « thru-hickers » français qui m’ont précédé sur le PCT, même si je m’y prépare mentalement et matériellement depuis quelques mois, je ne sais pas ce qui m’attend. Et c’est tant mieux.

Mon objectif était de m’offrir un interlude de 5 mois et de « boucler » cette petite escapade, entre Mai et Septembre 2019, en marchant en moyenne 24 miles pas jour (soit 39 km) .

Arriver au bout. Apprécier chaque moment. Les bons et les moins bons.

Il y aurait peut-être les orages, les brûlures du soleil, les tempêtes de neige, les moustiques, les scorpions, les serpents à sonnettes, les pumas et les ours. Il y aurait peut-être le manque et l’ennui. Il y aurait peut-être des égarements. Mais se perdre c’est aussi se retrouver.

Alors pourquoi pas ?

24miles Viggo Stefan sur le senrier
Entrainement hivernal sur le Sentier des Douaniers